Inauguration de l'Hôtel de Ville rénové


Photos: copyright Dimitri Brooks photograhy

Extrait du discours de Pierre Rouault du bureau Graf + Rouault architectes

prononcé lors de l'inauguration officielle de l'Hôtel de Ville rénové, le 10 mai 2025

" Quelques mots à propos des objectifs architecturaux du projet de rénovation de l’Hôtel-de-Ville :

 L’histoire commence à la fin des années 50, au milieu des 30 glorieuses.

Les services administratifs communaux et régionaux sont à l’étroit dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ancienne Maison de Ville.

 La Municipalité de l’époque décide alors d’organiser un ambitieux concours d’architecture pour la construction d’un nouveau « Centre administratif ».

 Deux jeunes architectes, trentenaires, Michel-Robert Weber et Nicolas Petrovitch, relèvent le défi.

Ils sont membres d’un collectif d’architectes lausannois, les AAA qui se distinguera quelques années plus tard à travers des réalisations qui s’inscrivent dans une modernité affirmée.

 Leur proposition est radicale et se veut d’avant-garde :

Une barre de 36 m. de long est implantée en face de la Maison de Ville, redéfinissant la Place du Marché dans la Cité.

Un dialogue permanent, entre tradition et modernité, s’instaure entre l’ancien et le nouvel Hôtel de ville.

 Pour leur bâtiment, les auteurs s’affranchissent des conventions classiques et convoquent les principes de l’architecture moderne théorisés par Le Corbusier 30 ans plus tôt :

 

  • L’utilisation de pilotis qui libère le rez-de-chaussée et permet une transparence entre la Place et le Jardin aménagé à l’arrière.

 

  • Le recours au plan libre pour les étages, c’est-à-dire des surfaces où les éléments porteurs se distinguent de ceux qui séparent les espaces permettant souplesse et évolution dans le cloisonnement.

 

  • La mise en œuvre d’une façade rideau, donc non porteuse et indépendante de la structure, autorise alors l’utilisation d’ouvertures en bandeaux, ici des fenêtres à pivots contigües optimisant la ventilation et l’éclairage naturel des postes de travail.

 

  • Et enfin le couronnement par un toit en terrasse, ici un retrait d’attique, afin que les logements de fonction bénéficient du soleil et de la vue.

 

Un bâtiment perpendiculaire comprenant la caserne des pompiers et le tribunal borde la rue Plantour.

A l’articulation des deux corps de bâti, une tour, destinée à faire sécher les tuyaux du service du feu, est campée comme la métaphore d’un beffroi et complète la composition.

Le choix des matériaux, volontairement limité, participe au raffinement et à la cohésion de l’ensemble.

A son inauguration, en 1963, la presse et l’opinion sont unanimes et l’on parle d’audacieuse réussite.

 Cet ensemble de l’Hôtel de Ville constitue un remarquable témoin régional du mouvement moderne.

Il s’agit indéniablement d’un jalon important de l’histoire locale.

 

De nombreuses transformations vont se succéder au cours des décennies suivantes altérant le plus souvent les qualités d’origine du projet.

 Le parking est construit à la place du jardin et une nouvelle annexe de deux niveaux est érigée au sud de la parcelle.  

Les circulations, entre les bâtiments d’origine et le nouveau corps, sont réalisées par l’extérieur sous forme de tunnels vitrés.

Ces liaisons enferment le hall principal, le relativise et supprime sa transparence.

A la même époque, les façades d’origine sont remplacées par des ouvertures à la française, dénaturant le concept et brisant l’harmonie des proportions.

Une autre transformation péjorante fut celle du poste de police au rez supérieur. Les locaux furent agrandis, condamnant ainsi l’accès à l’aile perpendiculaire et créant un volume en saillie sur la terrasse ouest.

Ce chantier a détérioré l’articulation entre les deux corps de bâtiment.

 

La récente nécessité d’une rénovation énergétique et d’une mise en conformité normative du complexe de l’Hôtel-de-Ville a heureusement permis d’inverser quelque peu cette tendance :

Ainsi, au-delà des interventions purement techniques, les objectifs architecturaux du projet furent les suivants :

 

  • Restauration des qualités spatiales d’origine.
  • Restitution de la clarté du système distributif.
  • Optimisation de la répartition du programme.
  • Rénovation des façades, soigneusement redessinées dans le respect de la métrique de l’architecture d’origine.

Afin d’atteindre ces objectifs 3 mesures importantes ont été prises :

La première a été d’identifier la Police du Chablais comme une entité autonome et indépendante du reste du programme.

L’EPOC fut alors transféré dans l’annexe transformé en « Hôtel de police ».

L’amélioration thermique de ce petit bâtiment a donné l’occasion de modifier son image et de « neutraliser » son architecture afin de l’identifier comme un élément indépendant de l’Hôtel de Ville. C’est la raison de ce bardage en fibrociment ondulé qui recouvre ses façades.

L’ancien poste de police occupant l’articulation des deux ailes fut alors déconstruit permettant une restauration typologique importante, celle de la liaison entre le hall d’entrée et l’aile perpendiculaire qui conduit à la salle Frédéric Rouge.

Ainsi, le hall d’entrée principal redevient le centre de gravité du complexe.

 

Une deuxième mesure a été la création d’une nouvelle liaison verticale à l’emplacement de celle qui conduisait aux logements et qui réunit plusieurs fonctions :

  • Un escalier de secours qui fait office de voie de fuite.
  • Une liaison PMR avec un ascenseur adapté.
  • Une colonne de locaux sanitaires alors hors d’usage.
  • Un noyau dont le rôle parasismique est déterminant.

Le hall de distribution, ouvert sur tous les étages, et l’escalier d’origine sont alors conservés moyennant quelques adaptations techniques comme l’installation de sprinklers et un système de désenfumage.

 

Une troisième mesure enfin est la densification afin d’absorber le solde du programme.

Elle est rendue possible par l’annexation du dernier étage du bâtiment principal et par la surélévation partielle de l’aile perpendiculaire conçue comme une extension naturelle du complexe initial."

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